Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
& The Wilderness Downtown.
11 novembre 2011

Time of your Life.

 ( Ceci n'est pas une critique musicale, c'est juste un petit bout de vie.)

 P a t r i c k  W o l f — Maroquinerie, Lundi 07 novembre 2011.


patrickwolf_nouveaucasino_20110331_01

     On s'était retrouvées à Ménilmontant. J'avais traversé la moitié de Paris depuis Malesherbes, presque toute la ligne 2. J'aime pas le métro mais cette ligne je l'aime bien parce que toute une partie est à l'extérieur, et alors quand il fait nuit on voit toutes les lumières de les quartiers Est, Barbès, Stalingrad, Belleville et le canal de l'Ourq. Toi tu avais traversé la moitié de la France depuis Lyon pour aller faire un tour dans le presque-nord, là où il ne fait jamais beau, juste pour la soirée. Au fond on avait toutes les deux traversé la moitié de quelque chose pour un petit bout de musique. On avait remonté la rue Ménilmontant en causant, il n'était que 18h mais déjà il faisait nuit et la ville basculait, on avait trouvé ce café, cette petite table qui nous attendait, on avait fumé tes Winstons, j'avais ouvert mon cadeau d'anniversaire, tu avais renversé ton Martini sur ton Jean et puis on avait demandé où se trouvait la Maroquinerie. Les choses reprenaient leur cours normal, toi, moi, des clopes, la musique et le reste.

     Une fois sur place on avait retrouvé Claire qui m'avait appelé la veille pour me dire que Patrick Wolf c'était trop bien et qu'elle venait au concert, "Eh les filles vous devinerez jamais ce qu'il y a sur mon T-shirt ! ... Un loup !". On avait attendu, attendu, attendu que les portes s'ouvrent, tu voulais être tout devant, depuis le temps que tu attendais ce concert merde quoi. On était rentrées, je sais pas comment on a fait mais on s'était retrouvées au premier rang, tu m'avais regardée et tu m'avais fait "Bon mouton t'as amené tes bouchons d'oreilles, nan parce que t'es déjà à moitié sourde alors bon hein". La salle était toute petite, la scène toute petite, les instruments partout, y'avait personne pour l'instant, même pendant la première partie on devait être que 30. Puis les gens étaient arrivés, et petit à petit la salle s'était remplie, à bloc. On avait discuté avec un photographe, mais toi tu t'impatientais, tu comptais les minutes, tu faisais un compte à rebours, deux ans d'attente c'était trop long. Je me souviendrais toujours comment on était placées, sur la droite de la scène, devant le micro de Patrick sans faire exprès, tu étais à ma gauche et Claire derrière nous, et la seule impression que j'avais c'était d'être là par improvisation, comme si rien n'était en règle mais allez on est fout on y va, de toute façon on a tout à y gagner et pour le reste on verra plus tard.


patrickwolf_nouveaucasino_20110331_02

     Les lumières s'étaient éteintes, enfin, et Patrick était arrivé, enfin. Et toi tu avais des larmes plein les yeux, tu avais attrapé ma main, fort, très fort, et l'émotion avait circulé de toi à moi, tu étais contagieuse, et tout d'un coup j'étais tellement heureuse, c'était magique, tu m'avais guérie de tout, de la tristesse, de la fatigue et du reste. "I'm happy without you" pour une fois c'était vrai. Armistice. Tu connaissais toutes les paroles par coeur, et Claire on moi on s'était regardées en riant l'air de dire "mais elle est complètement folle", mais on suivait, nous aussi on était entraînées par la foule, d'ailleurs c'était du jamais vu, je ne savais pas que c'était encore possible, d'être aussi fan d'une personne, ils hurlaient, et Patrick était impassible, ému sûrement mais impassible. Patrick, l'homme qui était arrivé sur scène laqué avec des paillettes, avec une cotte de maille et une chouette empaillée sur les épaules. Patrick, l'homme qui était parvenu à nous faire croire que oui, c'était normal, un type avec des allures de statue grecque qui se trimballait avec un rapace sur l'épaule. Pourquoi pas après tout. C'était comme un rêve, une illusion, c'était pas vrai, pas dans la vie. Il ondulait sur scène, immense, avec son pantalon noir, sa veste rouge qu'il a enlevée, sa chemise blanche qu'il a ouverte, tout était calculé on aurait dit et pourtant voilà, c'était le bordel sur scène, pire qu'Arcade Fire. Mais c'était normal que ce soit le bordel, c'était normal, il aurait pu nous faire croire à la Lune. C'était un spectacle. Et nous aussi on était le spectacle, on jouait dedans, ou du moins c'était ce qu'il nous faisait croire, qu'il faisait tout ça pour la première fois, que lui aussi il improvisait, même quand il avait dirigé les projecteurs sur nous, même quand il avait eu l'air de nous regarder un par un, comme si nous étions uniques, comme si nous étions beaux, parfaits, chacun de nous une oeuvre d'art. Together.

       Sur scène il y avait des guitares, un clavier, un saxophone, une clarinette basse, un violon électrique, une batterie, une harpe, un violoncelle électrique et j'en passe et des meilleurs. Et lui il jonglait entre tout ça, on aurait dit un gosse qui faisait des expériences de chimie devant nous, il prenait un instrument et le lâchait pour une autre deux minutes plus tard, oh tiens on va mettre un peu de ça je pense que ça va bien sonner. On aurait dit que tout lui venait sur scène, que lui non plus n'avait rien prévu avant, qu'il était venu les mains dans les poches, que tout se jouait maintenant, dans cette salle presque sous-terraine quelque part à Paris non loin de la rue Ménilmontant. On aurait aussi dit qu'il passait sa vie sur scène, qu'il connaissait tout par coeur, chaque clé comme sa poche et qu'il avait exactement compris comment ça marchait. C'était un expert de la scène, un scientifique du spectacle, un docteur en one-man-show, il n'avait plus à réfléchir, le meilleur lui venait spontanément.  Et la musique était partout, elle comblait tout le vide, les violons nous attaquaient jusqu'aux cellules, c'était puissant, mais une puissance positive, la puissance de la vie dans les quatre cordes d'un violon. Et toi tu étais partie, tu étais loin, envolée avec les quatre cordes du violon, tu riais, c'était un bonheur enfantin, un rêve de petite fille que tu avais attrapé, enfin. The Time of your Life. Tu étais la plus belle du spectacle, plus réelle que tout le spectacle. 


5135828253_af8324f04e_b

     Plus tard, après un autre Martini et d'autres clopes, on avait redescendu toutes les trois la Rue Ménilmontant vers le métro, il n'y avait personne, juste de petites maisons et des fenêtres allumées. On avait Paris pour nous. 

           

Publicité
Publicité
Commentaires
& The Wilderness Downtown.
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 4 509
Publicité